Proches aidant.es et inégalités sociales
- nessacecere3
- 9 juin 2024
- 3 min de lecture
Ce jeudi, 6 juin 2024, l’Association des Proches Aidants fêtait ses 10 ans : https://proches-aidants.ch/ . J’ai eu le plaisir de participer à cette soirée. Ce fût l’occasion d’écouter des discours officiels et des témoignages et de rencontrer des proches aidantes. Ces prises de paroles et rencontres m’ont fait réfléchir, notamment sur la question des inégalités sociales.
Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre depuis de nombreuses années et concerne des thèmes divers et variés comme : l’école, la santé, les sexualités, le genre, l’économie, et j’en passe. Je me demande alors : proche aidant.es, une nouvelle catégorie en péril ?
Cumuler certaines casquettes augmente ou diminue le risque d’inégalités. Pour moi, être une femme proche aidante étrangère peut augmenter significativement le risque de précarité sociale et économique. En effet, dans cet exemple trois catégories sont à risque : être une femme, être proche aidante et être étrangère.
Un jour, j’ai rencontré une maman albanaise au cours de piscine pour enfants handicapés. Elle avait trois enfants, deux filles adolescentes et un garçon paralysé cérébral. Elle était demandeuse d’asile et le père était absent. Cette femme m’a touchée. Elle vivait dans un petit appartement qui ne permettait pas à son fils d’être autonome dans ses déplacements. Elle ne parlait pas très bien français. Nous avons échangé et j’ai compris qu’elle n’avait pas connaissance des aides à disposition pour leur faciliter l’existence. Elle m’a posé beaucoup de questions et j’espère lui avoir donné quelques pistes. Est-ce normal que nous n’ayons pas tous.tes le même niveau d’informations ? Pourquoi les solutions deviennent-elles accessibles uniquement lorsqu’on en fait la demande ? Un service d’aide sociale ne devrait-il pas avoir une check-list avec les éléments indispensables à proposer selon les situations ? Faire de la prévention en somme…
Que dire de l’histoire de Caroline, qui a été évoquée jeudi lors de cette soirée d’anniversaire, sinon qu’elle illustre bien les problèmes de notre système aussi. Cette maman a cessé son activité professionnelle pour s’occuper de sa fille. Aujourd’hui majeure, sa fille a été placée en institution car sa prise en charge à domicile était devenue trop lourde. Caroline est pourtant toujours investie auprès d’elle, notamment en cas d’hospitalisation et le week-end. Toutefois, elle n’a plus le droit de prétendre à des prestations financières pour le temps passé avec sa fille ce qui la plonge dans une situation précaire.
De mon côté, je mesure ma chance, je ne suis qu’une femme et une proche aidante. Je suis instruite, j’ai les ressources pour comprendre le système et un papa investi dans la prise en charge de notre fille. Mais je travaille à temps partiel. Ce n’est pas uniquement parce que je suis maman, bien que j’aurais probablement fait ce choix sans le handicap de ma fille. En effet, le fait de devenir maman implique quasi nécessairement une baisse du taux d’activité pour s’occuper des enfants pour les femmes dans notre société.
C’est encore davantage le cas si l’enfant est en situation de handicap. De nombreuses mères cessent complètement leur activité professionnelle car les papas ne peuvent souvent pas diminuer leur temps de travail ou même l’aménager et les solutions de relèves sont complexes à mettre en place. La société suisse prévoit-elle des compensations dans ce cas ? Ce n’est déjà pas le cas pour les femmes c’est encore plus vrai pour les mères proches aidantes. Alors certes, mon rôle impactera sûrement mon revenu à la retraite, ma santé physique et mentale mais je peux trouver des solutions pour éviter un maximum d’inégalités.
Une lueur d’espoir existe tout de même. Mme Ruiz, conseillère d’état, a pu dire lors de son discours à la soirée, que les politiques au niveau cantonal comme fédéral se soucient du statut des proches aidant.es et qu’ils planchent sur un statut juridique pour cette catégorie de la population, conscients que ça touche un grand nombre d’individus.
Enfin, je tiens à souligner la qualité d’écoute et de soutien des membres de l’Association des Proches Aidants. Leur travail est indispensable et précieux pour que les « Caroline », les « albanaises, les « Vanessa » et les autres réalisent qu’ils et elles font partie d’un grand groupe de personnes et que des solutions existent même s’il y a encore du pain sur la planche.
Bonne soirée.
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